[Avis] Hypnotic Poison - Christian Dior (eau de toilette, Elixir, extrait)



Il y a vingt-cinq ans naissait Poison, la tubéreuse narcotique d'Edouard Fléchier, Poison l'emblématique, au sillage mi-envoûtant, mi-délétère et au succès fulgurant; Poison la Circé langoureuse, alanguie, aux paupières lourdes.

Moins d'une décennie plus tard, le même père composait un deuxième mouvement au nom d'antithèse, mais le vert Tendre Poison ne fut pas l'intrigant antidote qu'on aurait pu espérer.

La capiteuse matriarche méritait pourtant une digne héritière.
En 1998, Annick Ménardo relèvera spectaculairement le gant, en proposant ce qui sera le second temps fort de la saga: Hypnotic Poison.

Le troisième Poison entre peut-être en scène masqué de notes gourmandes, mais qu'on ne s'y laisse point prendre: c'est pour mieux attirer sa proie. Et à mesure que ces atours d'amande-massepain anisée de carvi s'envolent apparaît un cœur réellement... vénéneux. Une fois le masque tombé, Hypnotic Poison déploie, en parfaite adéquation avec son nom, une senteur qui séduit, qui captive, qui envoûte, mais éveille dans le cerveau reptilien la conscience du danger: comme le cyanure dont elle a emprunté l'odeur, cette amande-là est toxique. Oubliée la Circé alanguie, l'héritière est Médée, et elle ne fait pas de quartier.

Autant l'ancêtre rappelait olfactivement la couleur prune de son flacon, autant la déclinaison rouge de la pomme libère une odeur profondément blanche, monochrome et sourde. En cœur, les notes fusionnent dans un extraordinaire sillage dense, voire compact, affirmé et enveloppant, à la fois sucré et amer; à peine l'amande et le jasmin sambac (variété utilisée pour aromatiser le thé au jasmin) s'y font-ils plus particulièrement reconnaissables. La mousse de chêne, amère et sombre, se fait plus marquée en fond.

La potion a une personnalité unique, immédiatement identifiable, qui donne envie de crier au chef d'œuvre. Ceux qui n'y succombent pas fuiront, le cœur soulevé. Mais les victimes consentantes ont dû être suffisamment nombreuses, puisqu'Hypnotic Poison figure durablement au rang des meilleures ventes. Dior, conscient de son potentiel, n'a d'ailleurs pas hésité à le "relancer" récemment, nouvelles déclinaisons et campagnes publicitaires à l'appui.

A son propos, on a pu parler de "doudou", on a évoqué le défunt (et postérieur) Castelbajac éponyme.
Peut-être. Mais si doudou il y a, celui-ci a été revu et corrigé par Tim Burton.

Notes de tête: amande amère, carvi
Notes de cœur: jasmin sambac, bois de jacaranda, tubéreuse
Notes de fond: santal, ambre, vanille



NB: je porte Hypnotic Poison depuis sa sortie, et il a très clairement été reformulé, assez récemment je crois. L'ensemble a perdu son moelleux pour prendre un éclat vaguement métallique, plus amer. Le milieu du cœur et le fond ont été gâtés par une agaçante note mousse à l'effet nettement synthétique, et le sillage s'est atrophié. Au final, le parfum n'a pas été réellement défiguré, mais il est bien moins beau que ce qu'il a été, et je m'abstiendrai personnellement de le racheter sous cette forme.
Si vous la trouvez, préférez donc l'ancienne version, pré-reformulation... mais dont je ne pourrais malheureusement pas préciser la date exacte.
S'il est mat et caoutchouteux au toucher, avec un goulot rouge (plutôt que doré dans la version actuelle), c'est en tout cas une bonne indication que le flacon est plus ancien.
La dernière version est vendue dans une boîte rouge uniforme (à droite); dans les versions précédentes, l'ovale entourant le nom du parfum se démarquait en bordeaux sombre (à gauche).



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Pour son dixième anniversaire, Hypnotic Poison a été doté de son propre flanker, une réinterprétation orchestrée par François Demachy, directeur du développement olfactif chez LVMH (à qui appartient la maison Dior). Cette nouvelle version en concentration eau de parfum intense, Hypnotic Poison Elixir, est présentée dans un vapo à poire.




Le noyau de la fragrance semble être resté identique à l'eau de toilette originale, mais il a été décoré de pampilles, habillé de fanfreluches. Le départ, en particulier, se démarque: il est intensément gourmand, très sucré, au point de prendre des allures de caramel. Ensuite, l'Elixir se rapproche davantage de son modèle, mais reste plutôt gourmand, étoffé de cet enrobage sucré-vanillé et teinté d'un accord réglisse-anis étoilé qui lui donne du moelleux, le réchauffe, lime ses crocs. L'ensemble est plus riche, plus nuancé, mais perd aussi en lisibilité et finalement en efficacité.
Il partage malheureusement aussi avec la dernière mouture de l'eau de toilette cette fameuse note à effet très (trop) synthétique...
Le sillage, lui, est tout aussi puissant que celui de l'original, la rémanence plus solide encore.


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Dernière déclinaison en date: l'extrait de parfum, lancé en 2009 et toujours (re)composé par François Demachy.

Surprise pour qui s'attendait à une version plus puissante encore, un enivrant concentré vénéneux dont la moindre goutte ferait chavirer: l'extrait emprunte en réalité le chemin exactement inverse.

Comme pour l'Elixir, c'est en tête que l'extrait diffère le plus de l'original: il s'ouvre ici sur une déconcertante et très belle dominante de rose, avec une ombre de verdure.
Cette tonalité résolument florale va s'atténuer à mesure que la rose disparaît, mais elle restera légèrement présente en cœur. Et ce cœur est un joli tour de force: si sa senteur est étroitement apparentée à celle de l'eau de toilette, elle en est en réalité une réorchestration subtile. Absolu de jasmin sambac, fleur d'oranger discrète, absolu vanille, l'extrait fait appel à des matières premières excellentes, d'une qualité palpable - qui a porté l'eau de toilette à sa sortie y retrouvera le beau jasmin vanillé d'origine.

Toute la brute toxicité de l'original, toute son agressivité ostentatoire y disparaissent, remplacées par de la nuance, de la finesse: l'odeur est similaire, mais l'effet global est très différent.
Envolé de même, le puissant sillage: celui de l'extrait est pratiquement nul, et la rémanence est par ailleurs assez brève.


Dernière remarque: Hypnotic Poison "rubis", au flacon entouré d'un collier de perles de verre rouge, n'est pas une déclinaison particulière, mais juste un flaconnage différent, en édition limitée, de la version eau de toilette.


Hypnotic Poison
Maison: Christian Dior
Créateur: Annick Ménardo
Année de création: 1998
Famille:
oriental vanillé
Disponible en Eau de Toilette, vapo 30 ml (43 EUR), 50 ml (61 EUR) et 100 ml (87 EUR), en parfumerie. Une gamme de produits coordonnés est disponible. Temporairement: vapo "collector rubis" (50 ml, 69 EUR).

Hypnotic Poison Elixir
Maison: Christian Dior
Créateur: François Demachy
Année de création: 2008
Famille: oriental vanillé gourmand
Disponible en Eau de Parfum intense, vapo poire 30 ml (62 EUR) et 50 ml (88 EUR), en parfumerie. Une crème pour le corps coordonnée est disponible.

Hypnotic Poison extrait
Maison: Christian Dior
Créateur: François Demachy
Année de création: 2009
Famille: oriental vanillé
Disponible en Extrait de Parfum, flacon 7,5 ml (95 EUR), en parfumerie.


Images: Joyce, Christian Dior, My Prestigium

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu vas encore me trouver un peu bizarre, mais j'ai un souvenir très précis lié à ce parfum : je me promenais un jour dans les Landes et il flottait dans l'air une odeur de chouchous grillés, qui conjuguée à celles des pins, me faisait fortement penser à ce Poison hypnotique. Ce lieux aurait il été visité par Annick Ménardo ?
Une grande réussite, un sillage tonitruant,un souvenir marquant ! Méchant Loup

Six' a dit…

ML,

Ca alors! Je dois dire que j'aurais pensé à tout sauf à ça! Ca fait un peu "Angel dans la pinède", dit comme ça ;)

Pour le reste, d'accord, d'accord et d'accord! Pour moi, le plus réussi de la série avec l'original (bien que j'aime beaucoup Pure Poison, mais ils ne jouent pas dans la même division, à mon goût...)

JulienFromDijon a dit…

J'ai cherché, et trouvé, un flacon vintage d'EDT 30ml (marqué Christian Dior, goulot plastique rouge, contact caouthouteux, boîte... bref la bonne came).
C'est un parfum très doux, qui commence par l'illusion parfaite de l'odeur du lait chaud sucré, puis du jasmin sambac. Et, ho!, une gousse de vanille est tombée dans le bol de lait. Et le fond est poudré tout en légèreté.
C'est un parfum très "aimable", son odeur est subtile et aucunement agressive, il pourrait convenir à 95% des femmes et il est ravissant.

Ce qui m'étonne, c'est de ne pas retrouvé l'amande, l'amande amère.
Pas une seule trace de la connotation amande-cyanure-poison, tout au plus on peu assimilé l'odeur du lait à l'odeur lacté et poudrée de l'amande.
Dans ma mémoire, hypnotic poison = amande amère.

On peut presque reprocher à cette EDT de n'être pas plus concentrée.
Ce qui me fait penser que le HP actuel est un autre parfum. C'est la même idée mais poussée plus loin, plus fort. Il crie plus fort. Amande amère et poison, nettement séducteur et intoxicant.
L'actuel est un parfum différent, un bon parfum.

L'EDT vintage est le genre de parfum dont je voudrais avoir un gros flacon de 250ml, pour le porter chaque jour sans retenue.
Je ne sais pas vous, mais avec l'expérience, je préfère porter toute la journée un parfum doux -chimiquement doux-, qui de façon presque aromathérapique me fera du bien (j'aime "safran troublant" pour celà).
Plutôt que de porter un parfum plus marqué, avec un sillage fort et qui dure, mais qui "biologiquement" me tape sur les nerf. Je ne sais pas si l'actuel HP rentre dans cette catégorie, je le réessaierai en magasin ;)

Anonyme a dit…

je disopose d un flacon sans doute assez ancien de poison hypnotic que je ne retrouve pas exactement dans les modeles di dessus il differe que sur le flacon est marque hynoptic poison - christien dior - paris sur la face- edition limitée sous le flacon -et porte un numero 8F01 le flacon est rempli au trois quart pouvez vous me renseigner a ce sujet merci

Anonyme a dit…

Je viens de lire le Nb avec une grande attention.Je porte HYpnotic POison depuis sa sortie.Je me demandais depuis les derniers flacons achetés si mon odorat avait changé ou alors si ce parfum tant aimé tournait à présent sur ma peau.Maintenant je comprends mieux en lisant votre NB plus haut.Quand je le mets il y a qq chose qui me gêne il ne sent pas comme les 1er flacons du début des années 2000.Hypnotic poison avait cette facette majestueusement enveloppante envoutante, tout en profondeur.un sillage incomparable.il etait evoutant, charnel.On me disait bien souvent mais que tu sens bon.là avec les derniers flacons j ai cette note désagreable et persistante de note legerement acre vinaigrée comme si je portais un parfum ayant tourné.Quel gachis tout de même un parfum aussi merveilleux!