[Avis] Vanille Absolument / Havana Vanille - L'Artisan Parfumeur




Note 31/7/2010: à l'été 2010, Havana Vanille a été rebaptisé Vanille Absolument, pour une question de droits.



Dernier tome en date de la série des Odeurs volées par un parfumeur en voyage de L'Artisan Parfumeur, Havana Vanille parle non seulement de La Havane et de ses fameux cigares, mais aussi du long voyage pour y parvenir, s'imprégnant du bois de la coque du navire et empruntant, au fil des escales, les épices de la Jamaïque et le rhum des Antilles...

Pour composer ce récit olfactif, point de vanilline, cette molécule synthétique si souvent employée dans les formules à petit budget, mais une absolue vanille soigneusement sélectionnée et combinée à d'autres notes baumées, boisées et ambrées pour composer un accord "gousse". Elle est conjuguée à de l'absolue narcisse qui, associée à l'immortelle et à la fève tonka, donne l'illusion du tabac miellé, sans qu'il y ait de réelle note tabac dans la composition... voici pour les havanes, et voilà pour la vanille!

De l'intérêt d'une comparaison côte à côte: si la description d'Havana Vanille semblait la rapprocher tantôt du Tobacco Vanille de Tom Ford, tantôt de la Spiritueuse Double Vanille de Guerlain, son effet est en réalité très différent, et elle serait plutôt à mi-chemin entre les deux.

Là où la Spiritueuse est gorgée de rhum, alanguie dans un baroque décadent, tout de luxe et de volupté, Havana Vanille garde une fermeté dans sa dense sécheresse à peine poudrée. La première est sombre, goudronneuse, exhalant une fumée qui tient de l'encens; la seconde, plus claire, plus nette, prendrait plutôt la couleur des feuilles séchées de tabac blond. Et là où le Tom Ford, tout plaisant qu'il soit, donne rapidement envie de s'exclamer "c'est un peu court, jeune homme!", l'Artisanale vanille est au contraire riche, assez complexe - et bien moins sucrée.



Souvenir de son séjour dans les îles, Havana Vanille souffle en tête une délicieuse haleine de rhum épicé, qui s'évapore hélas vite.

Elle fait place au mariage d'un tabac blond doucement miellé, délicatement parfumé (loin de l'opulence d'un Fumerie Turque), et d'une vanille très naturelle, offerte tout entière, grains et gousse aux accents de goudron presque réglissé. Cet accord sucré juste à point se détache sur une toile de fond assez nettement cuirée et un peu ambrée.
L'ensemble est saturé, assez compact, sec et doux-amer, d'une amertume à la tonalité légèrement végétale: l'absolue narcisse, avec ses facettes foin/tabac/vertes, maintient tout ce joli monde au garde-à-vous. On devine aussi, en fond, une fine couche terreuse qui rappelle le patchouli, sans son râpeux.

Au fil du temps - la rémanence étant tout à fait satisfaisante, a fortiori pour un des trop souvent fugaces parfums de L'Artisan - l'amertume s'envole, le tabac recule et les grains de vanille doux et baumés, extraits de leur gousse, vont se glisser à l'avant-plan, prendre de l'ampleur.

À ce stade, Havana Vanille se fait plus sucrée et aussi plus simple que dans sa première phase: si le tabac se devine encore, la fragrance prend des allures de crème vanille, douce et joliment naturelle, posée sur quelques brindilles de bois poli qui lui donnent un peu plus de profondeur.



Ces derniers temps, les créateurs de parfums se sont amusés à faire voler en éclats le poncif de la vanille soit régressive, soit séductrice, pour mettre en scène des vanilles joyeusement cubistes, déstructurées, intellectualisées. Havana Vanille s'inscrit dans cette tendance, du moins dans sa première phase. Mais elle ne s'y limite pas: le havane flirte trop ouvertement avec la gousse.
Le résultat? Avec un petit bémol toutefois pour sa seconde phase, un parfum à la fois intéressant comme exercice de style et absolument délicieux, addictif en diable, qui ne me quitte plus depuis des jours.
Très chaudement recommandé... mais laissez-m'en un flacon!



Notes de tête: girofle, fruits secs, rhum, mandarine
Notes de cœur: fève tonka, tabac, immortelle, absolue narcisse
Notes de fond: absolue vanille, bois fumés, cuir, muscs, benjoin, baume Tolu, mousses



Année de création: 2009
Famille: oriental-vanillé
Disponible en Eau de Parfum, vapo 50 ml (76 EUR) et 100 ml (100 EUR), en points de vente sélectionnés et en ligne sur le site de la maison.



7 commentaires:

light blue a dit…

Coucou Six'
Je n'ai malheureusement pas accrochée comme toi avec cette vanille.
Je l'ai trouvée grasse, elle m'a rapidement écoeurée, alors que je n'ai pas de problèmes avec la vanille, bien au contraire.
J'ai préféré la SDV et celle de Tom Ford :)

Six' a dit…

Light,

Grasse, Havana Vanille? Ça alors, elle me fait précisément l'effet inverse, je la trouve très sèche! Comme quoi, les ressentis...

J'adore aussi la somptueuse Spiritueuse de Guerlain, mais pour moi elle ne fait pas double emploi avec Havana Vanille, je les trouve suffisamment différentes pour justifier d'avoir les deux!

light blue a dit…

Oui c'est étrange, sur moi elle est vraiment écoeurante, et le rhum ne sent vraiment que l'alcool.
Oh oui, SDV c'est vraiment une gousse dans de la liqueur sur ma peau, je l'aime beaucoup.

JulienFromDijon a dit…

Je dois encore ressentir Havana Vanille.
Dans mon souvenir, je l'ai trouvé intéressant, mais pas vraiment plaisant.

La composition est chargée, elle a beaucoup de chose à dire, comme un gage d'intelligence pour se démarquer de tous les parfums de niche. Mais je la trouve presque confuse, trop chargée, trop de superposition, elle rate à faire passer un message.

Mon ressenti fut l'inverse de Dzongkha. Dzongkha comme Havana vanille vous happe, tout 2 vous submergent d'odeur, de précieux ingrédients naturels de parfumerie. Tout 2 ont des notes lourdes qui vous empêchent d'apprécier tel ingrédient naturel qui défile ( comme un "gentil organisateur" casse-pied qui vous dirait "pas le temps de vous attardez").
Et pourtant Dzongka m'a tout de suite plus, m'a fait voyagé, m'a donné du plaisir.
HV échoue de ce côté. Certes je n'aime pas le rhum. Trop de superposition, comme trop habillé.
Et puis j'adore le narcisse, et la façon dont il est utilisé là m'a trop déconcerté, on dirait qu'il sert de cache-pot à la composition. Quand on sait le pris de l'absolu narcisse, à quel point il est rarement utilisé, ça me déconcerte qu'il semble être utilisé ici simplement comme diversion.

Ca reste une très belle composition olfactive, une prouesse de Duchaufourd. Même si je me demande en quelle circonstance on peut le porté (noël : rhum, vanille, gâteau ?)

Il faudrait que je trouve des gens qui aiment ce parfum, et qu'ils m'expliquent pourquoi, que je puisse comprendre.

Je ne comprend pas pourquoi on veut viré Vanilia pour faire place à ce nouveau parfum, pour moi ils ne rentrent pas dans la même catégorie.

JulienFromDijon a dit…

A oui! J'ai trouvé le travail sur l'amertume très nouveau et séducteur.
Havana Vanille et Al oudh semblent construit sur la déclaration "on va leur faire un l'artisan parfumeur avec du sillage et de la durée", mais je les trouve lourds tout les 2.

Six' a dit…

Julien,

Effectivement, HV est ornée - je l'ai trouvée saturée - dans son premier stade, mais à mon nez, elle se simplifie considérablement ensuite (mais ce n'est pas ma phase préférée, au contraire!). Justement, j'aime ce jeu de cache-cache avec la gourmandise, cette densité d'oriental, mais traversée par cette amertume végétale... j'imagine, de fait, qu'HV ne plaira qu'aux amateurs de parfums opulents - mais j'en suis! ;)

Le narcisse, ici... effectivement, quand on connaît la qualité de narcisse utilisée, ce peut être interpellant qu'il ne soit pas plus mis en évidence. Personnellement, son rôle de contrepoint dans la composition m'enchante, mais je ne suis pas non plus afficionada de la note.

Je suis en tout cas du même avis sur Vanilia: elle et HV ne boxent pas dans la même catégorie. La seule chose qui aurait pu prêter à confusion serait leurs noms, mais cela mis à part, elles n'ont pratiquement rien en commun, et elles auraient vraiment pu coexister.

Six' a dit…

Et j'oubliais: Dzongkha est aussi un de mes préférés chez L'Artisan. J'ai eu cette même impression d'être happée par le parfum, mais il m'a désarçonnée en même temps... il faut que je le ressente, et vite!