[Avis] Le Mâle - Jean-Paul Gaultier

Dans mon appréciation des parfums, j'essaie le plus possible, d'ordinaire, de faire abstraction du maketing, du packaging et autres enrobages commerciaux des fragrances pour me concentrer sur l'essentiel: le jus.

Pour Le Mâle, toutefois, c'est mission impossible: je ne parviens pas à dissocier la senteur même du premier masculin de Jean-Paul Gaultier, sorti en 1995, de toute l'imagerie qui l'entoure, peuplée de jeunes marins musclés et tatoués aux lèvres pulpeuses, tout droit sortis de l'univers kitschissime de Pierre et Gilles.

Vu cette campagne, et vu la forme du flacon, rien de bien étonnant à ce que Le Mâle ait d'abord été estampillé "icône gay", et soit d'ailleurs devenu très populaire dans le milieu... mais son succès a rapidement débordé pour le faire grimper au sommet des ventes de parfums masculins, où il trône toujours aujourd'hui.

Derrière ce succès, un jeune homme de 25 ans dont c'était la première création: Francis Kurkdjian, qui a depuis fait une prestigieuse carrière. Alors que la mode, pour les parfums masculins, était alors plutôt aux aquatiques hespéridés, Jean-Paul Gaultier a voulu revenir à cette grande famille olfactive traditionnelle des "fougères" (construites sur une association bergamote - lavande - bois, mousse de chêne, coumarine), ici remise au goût du jour par une tonalité orientale ambrée et un effet "savon à barbe".


Notes de tête: menthe poivrée, bergamote, armoise
Note de cœur: lavande, cannelle, cumin, fleur d'oranger
Notes de fond: vanille, fève tonka, santal, cèdre, ambre

Dès le départ, pas de doute, l'accord "savon à barbe rétro" est bien présent!
La menthe des notes de tête est modérée, sans l'impression de glaciale fraîcheur dont elle peut s'accompagner, et elle me rappelle en fait plutôt l'odeur du thé à la menthe. S'y mêle la note verte et anisée de l'armoise, légèrement amère, qui évoque, elle, l'absinthe...
Cette touche anisée se prolonge tandis que monte la lavande typique des fougères, qui se fond dans une note de fleur d'oranger bien présente. Les épices reprises dans la composition restent très discrètes: c'est toujours cet accord "barbier" qui prédomine, rappellant (d'assez loin) le White Musk du Body Shop, avec une allure au final assez synthétique.
Le fond est un accord oriental doux, un ambre vanillé à la tonalité sucrée croissante, sur lequel les restes, tenaces, du coeur floral viennent s'appuyer: l'évolution dans le temps est limitée, l'ensemble restant assez linéaire.
Le Mâle est, par ailleurs, extraordinairement puissant et tenace, tout eau de toilette qu'il soit - gare, alors, à la main lourde!

Propret, d'esprit léger, un peu sucré, Le Mâle est bien masculin par cet effet "savon à barbe" prédominant, mais il n'est, paradoxalement, pas macho pour un sou: on est loin, très loin de ces parfums sombres et virils suintant la testostérone, au point qu'une femme pourrait facilement le porter.
Très différent du paysage olfactif ambiant au moment de sa sortie, la situation a bien changé aujourd'hui, vu son immense succès et les nombreuses fragrances peu ou prou inspirées qui sont nées à sa suite. Sa popularité même pourra en rebuter plus d'un, mais Le Mâle reste un parfum très agréable, et justement apprécié.


Maison: Jean-Paul Gaultier
Créateur: Francis Kurkdjian
Année de création: 1995
Famille: oriental-fougère
Disponible en eau de toilette, vapo 75 ml
(45 EUR) ou 125 ml (64 EUR), en parfumerie.
Une gamme très étendue de produits coordonnés est disponible. Des déclinaisons en cologne tonique et de nouvelles éditions limitées au flacon à décor chaque fois différent sont mises sur le marché chaque année.


2 commentaires:

Anonyme a dit…

Coup d’essai, coup de maître pour le jeune Francis Kurkdjian, c’est relativement rare qu’un parfumeur se démarque de façon aussi précoce. La note menthe de tête est, comme tu l’as très bien perçu, plus proche du thé à la menthe ou du chewing gum, c’est parce qu’il s’agit de menthe crépue et non de menthe poivrée qui elle est effectivement glaciale. Ton analogie avec le musc du body shop est également très pertinente puisque le Mâle contient un très grand pourcentage de musc. Au final, je l’aime bien aussi ce Mâle, il est distinctif, immédiatement reconnaissable, sur une femme il est très joli je trouve…

Six' a dit…

Nathalie,

...et dire que la compo que j'ai trouvée parle précisément de "menthe poivrée"! Alors qu'effectivement, toute la facette froide est absente... Et contente de voir que mon nez marche encore, à détecter ce musc pour moi très présent bien qu'absent de la composition officielle!