[Avis] Rousse - Serge Lutens




Puisque nous parlions de cannelle, épice que j'adore sous toutes ses formes, voici le parfum qui, pour moi, lui rend le plus bel hommage.

Loin de leur apparente simplicité, beaucoup de parfums de Serge Lutens me font l'effet d'être une merveilleuse mise en valeur d'une matière donnée: Iris Silver Mist, Santal de Mysore, La Myrrhe,... autant de fragrances ciselées qui se font châsse précieuse pour sublimer leur ingrédient-vedette.

Rousse, sorti il y a un peu plus d'un an, mi-mars 2007, s'inscrit pour moi dans le même esprit.


Notes de tête: mandarine, cannelle, clou de girofle, œillet, aromates
Notes de cœur: bois de cannelle, cèdre, épices
Notes de fond: ambre, muscs, vanille


Rousse est, essentiellement, une couche d'épices. C'est la cannelle qui y prédomine, du début à la fin, mais sans que le parfum ne vire à la gourmandise pâtissière ou à la piquante tornade d'épices: il est avant tout sec et boisé, sans excès, et plus en mesure et en demi-teintes que ce à quoi Serge Lutens nous avait habitués. L'ensemble est assez dans l'esprit d'Omnia de Bvlgari.

En tête, la mandarine est présente, mais très discrète sous le mélange de cannelle et de girofle: l'effet est boisé, un peu froid (j'y sens une touche camphrée) mais surtout très sec, au point de donner une impression poudreuse, voire poussiéreuse. En évoluant, cette note de bois de cannelle, mêlée d'une note de cèdre très présente, perd cette texture pour prendre un tour plus moelleux, toujours boisé mais plus doux, un peu plus chaleureux, très légèrement sucré... et elle se poursuit assez linéairement sur cette lancée, jusque dans les notes de fond. Pendant la majeure partie de sa tenue, elle se fait voile de peau, d'un boisé-épicé qui semble nimber l'épiderme d'une grande douceur veloutée.

On a parfois comparé Rousse à des bonbons et autres chewing-gums à la cannelle, mais je n'irais certes pas jusque là: si la cannelle est bien prépondérante, elle n'est pas agressive ni monolithique, malgré l'évolution restreinte du parfum.


Alléchée par sa composition, j'avais d'abord été un peu déçue par Rousse, qui pâlissait - un comble! - à côté d'autres merveilles plus... flamboyantes de la maison: un parfum moins inhabituel, moins surprenant et donc moins "intéressant" que beaucoup d'autres de la gamme... Pourtant, après plusieurs tests, j'ai fini par tomber sous le charme discret de cette fragrance sobre et mesurée. Bien qu'elle ne soit pas ma toute préférée des Lutens, elle est peut-être celle que je porte le plus, parce qu'une des plus faciles à porter parmi les orientaux de la gamme. Et au fil de la journée, cette impression de voile doucement épicé sur la peau est un vrai bonheur.



Maison: Serge Lutens (gamme export)
Créateur: Christopher Sheldrake et Serge Lutens
Année de création: 2007
Famille: oriental-épicé
Disponible en Eau de Parfum, vapo 50ml, en parfumeries sélectionnées (80 EUR)


6 commentaires:

Anonyme a dit…

J 'aime beaucoup vos ressentis de Rousse, la cannelle sur son fond boise est somptueuse et d 'une exceptionnelle finesse, malgre tout comme pas mal de parfums Serge Lutens, dans son evolution ce parfum n 'a aucune tenue. Cela dit il me faut preciser que je porte depuis les annees 80 des extraits de Jean Patou, Chanel et Caron et en plus de ca je m 'en remet le plus souvent a des versions vintage non reformulees, c 'est une autre parfumerie litteralement en voie de disparition.
Voyez-vous, je porte depuis ce matin une goutte d 'extrait de Câline de Jean Patou, il est trois heures et demi de l 'apres midi et le sillage est puissant et d 'une splendeur incroyable, sans etre criard ni vulgaire. A chaque fois que je porte Rousse, quatre heures apres il me faut vraiment coller le nez sur les poignets pour sentir quelque chose. Meme si c 'est une tres belle creation haut de gamme, a ce prix c 'est decevant.

Six' a dit…

Merci! :)
Je la trouve effectivement particulièrement intéressante, dans son traitement boisé et surtout cette petite touche camphrée! Ou comment faire une cannelle absolument non-gourmande...

Ecoute, je suis contente d'avoir ton ressenti sur la tenue - c'est en effet, pour moi, l'inconvénient de beaucoup de Lutens: sur moi, ils tiennent mal sur la durée, alors que personne ne semble rencontrer le problème! A part, apparemment, Louve, dont tout le monde semble déplorer la tenue vraiment trop éphémère.

Anonyme a dit…

quelques trucs que j'utilise pour tester les parfums.

Pour voir l'effet de la concentration, j'ai l'habitude de tester les parfums dans un verre a cognac (petit verre de préférence). J'ai commencé a faire ca quand j'avais vu ca chez Patou.

Un seul pschitt et vous mettez le nez dedans.
Ce qui est interessant c'est que le parfum reste dans le verre bcp plus longtemps que sur une peau et qu'il n'y a pas d'effet chimique peau parfum.
C'est super pour tester la vrai "senteur" du parfum et largement mieux qu'une touchette qui rajoute une note boisée (papier + alcool).

La deuxieme chose c'est qu'un parfum peut rester mais qu'il n'est pas évaporer. Le soir en prenant la douche combien de fois au contact de l'eau chaude tout c'est évaporé alors que je croyais qu'il n'y avait plus de parfum (ca fait comme un pulse ...)

Sur la plupart de lutens le coeur est le centre du parfum. Mais composée de mollécule de taille "moyenne" il disparait dans les premieres heures. Les parfums les plus tenaces sont composées de molécules lourdes (la guerlinade par exemple ... ou des musks)

Un parfum de coeur doit se prendre par touche je pense pas de pshitt cocotte pour rester la mais doit se retoucher tout au long de la journée.

Anonyme a dit…

Pourquoi lorsque Serge s'amuse avec les épices il fait Rousse et moi un "curry"...?

Six' a dit…

A,
Merci pour cette passionnante explication, je n'aurais jamais pensé à faire ça! Et effectivement, le test "touche papier" n'est pas terrible, il ne donne qu'une idée générale assez tronquée...

Et je ne m'étais jamais arrêtée non plus sur la possibilité de parfums plus concentrés en notes de cœur - je m'étais plus ou moins, sans y avoir jamais réfléchi, mis en tête que les extraits seraient plus concentrés en notes de fond et les colognes/eaux de toilettes plus en notes de tête, par exemple... mais la proportion varie selon les parfums eux-mêmes en fait, indépendamment de leur concentration?

Nathalie,
Quand je serai grande, j'aimerais bien être Christopher Sheldrake ;)

Anonyme a dit…

Louve était dans mon souvenir un de ces Lutens de 2nd rang. Je viens de réaliser que je l'avais obtenu en échantillon spray dernièrement (chic!)

Les notes de têtes sont sublimes ! Un sacré petit coup dans le nez :D Ca vallait l'coup.
La canelle prend un tour médicinal à mon sens, peut-être à cause du glou de girofle, ou un médicament qui aura marqué ma mémoire.

Peut-être parce que je n'aime pas la canelle sur les tartes aux pommes, Rousse est un parfum que je pense ne jamais porter : je suis un garçon qui porte chamade, c'est pourtant comme si Rousse était un parfum incorruptiblement féminin !?