[Avis] Sables - Annick Goutal


"...qu'est-ce que c'est que CA??"

Qui essaie par hasard Sables, d'Annick Goutal, sans savoir à quoi s'attendre, s'expose à une surprise de taille.

C'est que la note d'immortelle sauvage (Helichrysum italicum) présente, omniprésente, toute-puissante même, dès le début de la fragrance, est... une curiosité à part entière.

Imaginez une senteur sombre et épaisse, à mi-chemin entre le caramel liquide et le goudron, une senteur qui rappelle le sucre brûlé et le sirop d'érable, mais dans lesquels le sucre aurait été remplacé par du sel... puis ajoutez une solide pincée de curry et de fenouil anisé. Voilà pour l'immortelle.

Maintenant, ajoutez à cette immortelle un fond de santal et de vanille, et donnez un tour de poivre du moulin.

Enfin, tournez le volume à fond: voici Sables.


Composition : immortelles sauvages, poivre d'Indonésie, santal, vanille, ambre

Ce départ tonitruant d'immortelle épicée se poursuit dans un très long decrescendo: Sables ne donne pas l'impression d'être construit selon la traditionnelle pyramide olfactive, avec ses notes de tête évanescentes. Le cœur de la fragrance est là, armé de pied en cap, dès la vaporisation, et va juste en s'amenuisant au fil du temps. Des notes ambrées de foin/tabac doux se font peut-être un peu plus présentes sur la fin, mais c'est toujours le même parfum, chaud et sec comme la garrigue... et vu la tenue extraordinaire de Sables (une exception pour la maison, d'ailleurs, à plus forte raison pour une eau de toilette), il va vous accompagner longtemps!


Vous l'aurez compris: Sables ne fait pas de quartier.
C'est un parfum extrêmement original, puissant et sans compromis, une curiosité qui va soit repousser, soit envoûter...
Il est présenté comme un masculin, mais son originalité même le rend, je trouve, parfaitement androgyne.

Pour la petite histoire, Annick Goutal avait pensé ce parfum pour son mari, en souvenir d'un voyage qu'ils avaient fait en Corse, avec ses dunes constellées des petites grappes jaunes des fleurs d'immortelle sauvage qui l'avaient marqué... vu le superbe résultat, c'est là une très belle déclaration d'amour.



Maison: Annick Goutal
Créateur: Isabelle Doyen
Année de création: 1985
Famille: oriental-boisé
Disponible en eau de toilette,
100 ml (72 EUR), en parfumeries sélectionnées, dans les boutiques Annick Goutal et sur le site de la maison. On peut le trouver chez certains discounters en ligne.


12 commentaires:

Rafaèle a dit…

Sixtine,

Heureuse de lire une (belle) chronique sur celui qui est le chouchou de mes étés. J'attendais ce moment depuis longtemps ;-) ! Une histoire qui a débuté par un coup de foudre ! Après dix-neuf ans de complicité, l'émotion est toujours la même à chaque vaporisation. Il m'envoûte toujours et fait partie de moi. J'ai parfois envie de changer, tiraillée sans doute par un fantasme de "normalité"... Oui, se parfumer "comme tout le monde", avec un jus moins original, plus identifiable... Mais je crois qu'on ne peut pas se nier soi-même...
Sais-tu s'il contient de l'opopanax ? Il m'a semblé identifier cette note. Je lui trouve également des accents de graines de casse et d'angélique ! Autant dire s'il est riche et complexe...
En revanche, j'avais lu que son créateur était Henri Sorsona...
Merci pour ce bel hommage à Sables, l'Unique.

Six' a dit…

Rafaèle,

Merci pour ce gentil commentaire! Mais je doute avoir su rendre l'hommage qu'il mérite à ce si beau parfum, pour moi le plus original des Goutal (quoique je n'ai pas encore senti l'Eau du Fier ;))
Je le trouve vraiment fascinant, et je comprends comment il peut devenir le parfum-signature de quelqu'un... en changer pour un plus passe-partout, ça serait dommage quand même! Si tu veux quand même essayer quelque chose dans le même registre, mais sans risquer de haussements de sourcils autour de toi, l'Eau Noire de Dior est une merveille, l'immortelle traitée en fougère orientalisée, avec une belle lavande sèche... de toute beauté!

Les listes de notes que j'ai trouvées pour Sables étaient particulièrement laconiques, je n'y ai pas vu d'opoponax, mais à le sentir, ce n'est pas impossible, il faudra que je sniffe ça de plus près!

Quant à son créateur, je suis surprise! J'ai toujours vu qu'Isabelle Doyen collaborait avec Annick Goutal depuis le début des années 80... mais c'est possible, vraiment, je n'en sais pas plus. Affaire à éclaircir!

Rafaèle a dit…

Oui, tu as raison. J'ai la chance de connaître et d'aimer Sables, alors pourquoi vouloir se banaliser ?
J'ai déjà cherché "L'Eau Noire" mais au rayon hommes ! Et pas trouvé. Ai-je fait fausse route ?
L'Eau du Fier sent le goudron, le shampooing à l'huile de cade, le vieux cordage séché au soleil, le pont de bois lessivé par les vagues... On est bien loin de la sagesse, de la mesure que j'associe aux rivages de l'île de Ré ! Rien de BCBG je trouve ! Cette note si typique est due au thé fumé. Un ami à qui j'ai fait découvrir les parfums Goutal (le veinard ;-) !) l'a porté. Sa femme lui a reproché de sentir "le salon de thé" ! Je n'aurais pas pris cela comme un reproche. Mais c'est vrai, l'Eau du Fier est assez dérangeante elle aussi. J'aimerais la porter, mais plutôt en hiver. Voyage vers des côtes lointaines avec un loup de mer, avec Rimbaud ou Henri de Monfreid...
Sorsona... J'ai lu (sur "Auparfum") qu'il avait contribué aux premières créations d'Annick Goutal, d'où une possible confusion.
Récemment j'ai re-senti Private Collection de Lauder. J'avais envie d'un parfum "de dame". Je gardais le souvenir d'une composition très dense, un parfum vert de forêt équatoriale, d'humus, de germination... Je l'ai trouvé bien assagi ! En tête la rose domine, et le côté "vénéneux" a été lissé. J'en ai demandé une petite fiole chez Marionnaud. Pour les soirs où l'on veut être classe tout en rentrant dans le rang, peut-être. Dans ce registre je préférerais finalement "Passion", toujours un Goutal !

Six' a dit…

Rafaèle,

L'Eau Noire ne se trouve que dans les boutiques Dior et les espaces Dior Homme des grands magasins (genre Galeries ou Printemps)... ils les gardent bien à part, ces trois Colognes, tu penses! Ce sont de grandes réussites, je trouve, surtout justement l'Eau Noire et Bois d'Argent.

Ta description de l'Eau du Fier le rend positivement ir-ré-sis-tible! Du thé fumé? du goudron? Ca a l'air formdiablement curieux, il faut que je me trouve un échantillon séance tenante!

La Private Collection, version sans tubéreuse-gardénia, je ne l'ai pas encore sentie, tiens... pas plus que la Passion de Goutal, que de lacunes à combler! Au final, AG est une maison que je connais encore assez mal, parce qu'à l'opposé de mon spectre olfactif de prédilection - mis à part, évidemment, les Orientalistes, que j'adore. Tu les as essayés, ceux-là?

Tiens, pour moi, j'associe complètement parfum de dame et chyprés-aldéhydés... je leur trouve une sophistication, une élégance absolue!

Rafaèle a dit…

Bon, alors l'Eau Noire ce sera pour la prochaine virée à Lille, d'autant qu'au Printemps ils sont depuis quelque temps très axés sur le luxe pur ;-) !
Passion est fleuri avec un fond vanillé et une touche verte. La présence de mousse de chêne doit faire de lui un chypré. Pour moi un "parfum de dame" c'est plutôt un chypré vert... pas vraiment la famille olfactive que je préfère ! Je rêve par exemple de re-sentir 1000 de Patou qui doit répondre à ces critères... pour peu qu'il n'ait pas été "lifté" !
Je ne connais pas les Orientalistes. Il faudrait que je force la porte du Soleil d'Or à Lille, tu vois, et surtout j'ai peur d'être tentée, par Musc Nomade en particulier. Rien que le nom...
Je crois - et toi et moi en sommes les preuves vivantes ;-) - que l'on peut à la fois aimer des créations Annick Goutal et Serge Lutens !

Six' a dit…

Je confirme, ils ont les Colognes au stand Dior du Printemps ;)

Les chyprés verts, je pensais que... puis j'ai senti la réédition de Sous le Vent, de Guerlain (plutôt un chypré aromatique/cuir, en fait), j'ai eu le coup de foudre absolu, et depuis cette famille m'attire toujours malgré tout, je dois dire!

Les Patou, je crois que justement, les anciens jus sont traités avec beaucoup de respect. Je n'ai pas senti la version récente, mais j'ai un petit peu de 1000 en vintage, et il est très, très beau...

Chez Goutal, j'avoue ne m'être encore intéressée qu'aux plus orientaux (sauf le Musc nomade que je n'ai pas encore senti, tu penses s'il me fait envie, celui-là!), mais il faut décidément que je comble cette lacune!

William a dit…

je suis ravi de lire enfin une critique sur Sables, incontestablement mon préféré de chez Goutal! Quant à l'eau du fier, que vous citez dans les commentaires, eh bien.. elle a été discontinuée, malheur!

Six' a dit…

William,

Sables, pour moi, c'est du tout grand Goutal. Une profonde originalité, tout en restant dans les limites du portable, avec en plus une touche de cette élégance si typique de la maison... du très beau.

Et je ne savais pas que l'Eau du Fier avait disparu... peut-être trop curieux pour vraiment toucher son public? Il ne faisait pas de quartier, celui-là... c'est très dommage, effectivement.

Merci de votre visite!

jeanne a dit…

hello, concernant les parfumeurs derrière Sables, je viens de vérifier sur auparfum, car j'avais peur d'avoir écrit des bêtises : mais il s'agit bien d'Isabelle Doyen et Annick Goutal, Henri Sorsona en ayant co-signé d'autres... pas de doute possible !

Six' a dit…

Jeanne, merci pour la confirmation! Il faut dire que les sites et blogs se multiplient, ça n'est pas toujours facile de se souvenir exactement où on a lu quoi...
Encore une magnifique composition à porter définitivement au crédit d'Isabelle Doyen, donc!

Anonyme a dit…

Sables fonctionne comme un baume, il me suffit de le sentir pour être transportée en été, dans mes collines varoises, sous le soleil écrasant et assourdie par le bruit des cigales. Cette odeur si forte et si entêtante me grise depuis l'enfance, je ne m'en lasse jamais, et la partition d'Annick Goutal est subtile autant que fidèle. Merci, merci tellement!

Gicerilla a dit…

C'est amusant de lire sous votre plume une conclusion qui ressemble étrangement à celle que j'avais faite en quittant les Salons du Palais Royal de Lutens après avoir humé pendant des minutes entières sans savoir qu'en faire Musc Kublai Khan ! Il m'a fallu trois visites espacées de plusieurs semaines avant de me lancer tant il m'impressionnait, me troublait, me tentait, me repoussait... Depuis, c'est mon parfum préféré of all times !