[Avis] Safran Troublant - L'Artisan Parfumeur




Un peu, beaucoup, passionnément...

...et entre moi et l'exquis Safran Troublant, mon dernier coup de cœur en date, pas de doute, c'est bien passionnément!

L'Artisan Parfumeur est connu pour capturer en bouteille les senteurs d'un instant, le parfum d'un souvenir, les émotions fugaces... et quand il s'attaque à l'amour, il ne fait pas les choses à moitié: il s'agit de troubler, de piquer, de flamber!

C'est ainsi qu'est sorti, en 2002, un coffret dénommé Les Épices de la Passion*, regroupant trois fragrances paraît-il librement inspirées d'anciennes recettes destinées à éveiller les sens.

Au menu, Piment Brûlant et Poivre Piquant, des accords piment-chocolat et poivre-miel créés par Bertrand Duchaufour, celui qui allait devenir le nez attitré de la maison, et Safran Troublant, signé Olivia Giacobetti (Dzing!, Tea for Two ou encore Premier Figuier toujours chez L'AP, En Passant de Frédéric Malle, Hiris d'Hermès).

Succès oblige? Ces Épices ont depuis été rééditées individuellement dans la collection permanente de L'Artisan - l'heureuse initiative que voilà!

Mariage entre le safran et la vanille, Safran Troublant marque, de la passion, les débuts...


Notes de tête: rose rouge
Notes de cœur: safran
Notes de fond: vanille, bois de santal


Que les amoureux de l'odeur de la précieuse épice se réjouissent: Safran Troublant ne pourrait être mieux nommé. À la vaporisation, c'est une intense note de safran qui monte, nette et réaliste, avec ses abords médicinaux typiques, son côté daim, cuiré doux.

Passée la puissance de cette première bouffée de safran, la rose annoncée en tête est elle aussi bien présente, quoiqu'un peu en retrait. Étonnamment, elle donne bien l'impression d'être une rose rouge, mais ce n'est pas ici une fleur fraîche qui s'offre: on la sent doucement sucrée, cuisinée, légère - c'est une mousse de roses, une gelée de roses rouges, sans la lourdeur de la confiture.
Bien qu'elles ne soient pas mentionnées dans la - fort laconique - composition officielle, d'autres épices semblent venir ensuite se joindre à la danse - j'y sens de la muscade, du gingembre, peut-être une infime pointe de cardamome.

L'ensemble pourrait faire penser à un chaï, le thé épicé indien, mais non pas! Ce qui caractérise Safran Troublant, dès ce moment, c'est au contraire un vrai moelleux: tout ce joli monde semble se fondre sur la peau en l'équivalent olfactif d'un cachemire beige-ocre, velouté et léger, étrangement réconfortant et addictif tout à la fois... impression qui s'accentue encore lorsqu'apparaissent plus nettement le santal, doux et crémeux, et la pointe de vanille qui vient sucrer légèrement le tout. Si le safran s'atténue, il continue à toujours nettement manifester sa présence dans ce cœur si caressant, jusque dans le fond délicatement vanillé, suave, presque lacté.

L'évolution est par ailleurs assez simple, sans grand bouleversement au fil de la tenue (correcte, sans plus) sur la peau: dans la tradition de L'Artisan, on reste dans le souvenir d'un instant, pas dans l'épopée...


Malgré cette simplicité voulue, pourtant, Safran Troublant est plus subtil qu'il ne parait.
D'un côté, il est délicieusement cosy et confortable, avec ses épices si douces et sa menue vanille... mais on reste dans l'évocation du gustatif sans jamais vraiment virer au gourmand ni au culinaire: c'est un des rares parfums qui parviennent à être réconfortants sans donner dans la confiserie régressive.
De l'autre, il esquisse avec beaucoup de finesse une sensualité discrète mais enjôleuse, qui donne envie de se lover près, tout près de la source de cette senteur étrangement câline...

Caveat emptor, pourtant: si, dans votre mémoire olfactive, l'odeur du safran est indissolublement liée à la paella, la lotte ou autres préparations rizo-poissonnières, le choc risque d'être rude, et ce beau jus pourrait alors vous paraître tout bonnement importable... Pourtant, il mérite vraiment une seconde chance - il m'a déconcertée au premier essai, puis totalement conquise au deuxième, avec un tel goût de revenez-y (addictif, disions-nous?) qu'il ne m'a pas fallu longtemps avant de craquer pour un flacon!

L'un de mes préférés chez L'Artisan, léger et subtil comme tant de créations d'Olivia Giacobetti.


* Les Épices de la Passion est par ailleurs le titre français du délicieux film mexicain Como Agua Para Chocolate, tiré du roman éponyme de Laura Esquivel... je tire mon chapeau à L'Artisan pour cette jolie référence!




Maison: L'Artisan Parfumeur
Créateur: Olivia Giacobetti
Année de création: 2002
Famille: oriental-épicé
Disponible en eau de toilette, vapo 50 ml (66 EUR) et 100 ml (90 EUR), en points de vente sélectionnés et en ligne sur le site de la maison. Le coffret des Épices de la Passion avec les trois fragrances en vapo 15 ml (75 EUR) est encore disponible dans quelques points de vente.


Images: L'Artisan Parfumeur (US), Journal du Net


3 commentaires:

Anonyme a dit…

j'avais acheté le coffret à sa sortie, et j'aime beaucoup les 3, bien qu'ils m'aient parus "comme dilués" à l'époque, mais c'est plus de la subtilité que je detecte desormais
je ne connaissais pas les createurs, mais le safran est mon préféré, et il y a beaucoup de giacobetti dans mes parfums favoris
elle ecrit ses parfums comme des poemes ...une artiste...

Six' a dit…

Pareil, je trouve ses parfums à la fois délicats et spirituels, pleins d'âme en tout cas! (et qu'elle réussisse à créer de vrais poèmes en flacon comme En Passant et des parfums nettement plus corsés et chaleureux comme Idole, en les rendant aussi délicieux les uns que les autres... j'admire!

JulienFromDijon a dit…

Ce qui n'est pas dit, c'est que la note safran est très probablement 100% synthétique. Je n'ai pour l'instant croisé aucune matière naturelle issue du safran (peut-être à cause du prix?), et la mode des parfums incluant le safran dans leur composition surfe sur l'apparition de nouvelles molécules de synthèse (même dans les marques de parfumerie arabes).

Pour en venir à Safran troublant, moi aussi j'ai eu le coup de coeur, il est remarquable. Les premières fois, je ne sentais rien, mon nez avait déjà saturé dans la boutique de l'artisan parfumeur.
Puis le coup de coeur. La naissance de Vénus. La brise. Grisant.
Maintenant, je lui reproche de ne pas tenir ni sur la peau, ni sur tissus. Et puis c'est comme si je le connaissait trop. La note safran est trop forte, maintenant je la distingue trop, et elle commence à me rappeler certaines lessives, dans le genre "assouplissant".

Amour, désamour. Oui c'est comme un amour fini, ce n'est pas que je ne crois plus à l'amour, j'attends qu'il revienne. Que safran troublant provoque à nouveau en moi les même visions qu'autrefois. Peut-être que ça ne reviendra jamais, que je l'ai trop idéalisé, que je l'ai trouvé trop absolu, mais c'est un des rares flacons dont je transporte le flacon entier quand je voyage, prêt de moi.