[Avis] 1873 - Histoires de Parfums

1873: l'année de naissance de Sidonie-Gabrielle Colette.

Histoires de Parfums lui rend hommage, comme généralement dans la gamme, par un parfum bien plus "inspiré par" que par une fragrance d'époque, qu'aurait pu porter l'égérie...

C'est que Colette, sensualiste s'il en était, a écrit de bien belles pages sur les goûts, déjà - sa Claudine ne mit-elle pas un rubis en bouche parce que "ça doit fondre et sentir la framboise acidulée?" - et sur les odeurs, ensuite et surtout.

"La recherche du parfum ne suit pas d’autre voie que celle de l’obsession": sa citation est connue. Mais que de beaux passages dans ses œuvres, sur les senteurs!

Une bouffée d’acacia entra, si distincte, si active, qu’ils se retournèrent tous deux comme pour la voir marcher.

« C’est l’acacia à grappes rosées, dit Léa à demi voix.

– Oui, dit Chéri. Mais comme il en a bu, ce soir, de la fleur d’oranger ! »
Avec sa grâce de femme, faite d'aisance et aussi d'une extraordinaire précision de mouvements, il m'a emprisonné la taille et souffle doucement sur mes yeux à demi fermés. Il prolonge le jeu et déclare à la fin :

– Vous sentez… la cannelle, Claudine.

– Pourquoi la cannelle ? Dis-je mollement, appuyée à son bras et engourdie de son souffle léger.

– Je ne sais pas. Une odeur chaude, une odeur de sucrerie exotique.

– C'est ça ! Le bazar oriental, alors ?

– Non. Un peu la tarte viennoise ; une odeur bonne à manger. Et moi, qu'est-ce que je sens ? Demande-t-il en mettant sa joue veloutée tout près de ma bouche.

– Le foin coupé, dis-je en le flairant. Et comme sa joue ne se retire pas, je l'embrasse doucement, sans appuyer. Mais j'aurais aussi bien embrassé un bouquet, ou une pêche mûre. Il y a des parfums qu'on ne respire bien qu'avec la bouche.
Que de parfums, que d'odeurs, décrits en des mots si élégants! En particulier dans "Pour un herbier", où elle exaltait de la plus belle façon, voire de la plus curieuse, en tout cas de la plus talentueuse, la senteur des fleurs blanches qu'elle affectionnait.

Il est donc plutôt curieux qu'Histoires de Parfums ait choisi d'évoquer l'écrivaine des parfums par une fragrance hespéridée, alors qu'elle-même portait, paraît-il, du jasmin. Par contre, l'idée de l'honorer par un parfum semi-gourmand joue à ravir sur le brouillage de la frontière entre gustation et olfaction, qu'elle a si joliment mis en mots.


Notes de tête: pamplemousse, orange, citron, mandarine, bergamote, limette
Notes de coeur: muguet, fleurs d'oranger, fleurs printanières, violette, lavande
Notes de fond: vanille, caramel, muscs blancs


Les départs hespéridés se limitent souvent à une fugace envolée amère de bergamote ou de petitgrain, après quoi il ne reste plus trace aucune d'agrumes dans la fragrance. Point de cela ici: c'est toute la famille hespéridée qui danse une tarentelle d'ouverture, l'amertume de la bergamote, commune, se mêlant à dix autres fruits doux-aigrelets, orange juteuse en tête, entourée d'écorces de citron vert. Comme le fait remarquer Helg de Perfumeshrine, la senteur résultante rappelle assez celle des kumquats, ces petites orangettes amères.

Cette odeur d'orange va d'ailleurs vite s'accentuer en cœur, se sucrer au point de prendre, toute acidité disparue, de franches allures de marmelade, voire de bonbon à l'orange, sans que cela ne fleure sa confiserie industrielle.

Bien vite, pourtant, la fleur d'oranger (encore!), à peine touchée de lavande, s'insinue doucement sous la couche de marmelade, s'y mêle joliment, finit par prendre graduellement le dessus - comme il en a bu, ce soir, de la fleur d’oranger!

Et c'est ce mélange d'orange confite et de fleur d'oranger qui va finir par se poser harmonieusement sur un fond délicatement sucré et légèrement orientalisant, celui de la douce vanille teintée de caramel d'une crème brûlée qui reste discrète, sans lourdeur pâtissière... même si l'ensemble rappelle un peu, après tout, les cornes de gazelle!


Si le lien avec son égérie semble au premier abord peu évident, 1873 reste un parfum délicieux, un plus-qu'-hespéridé oriental ou un gourmand léger, au choix, d'une très grande originalité: je m'avancerais presque à dire qu'il remplit une niche parfumesque encore vierge. Et pour ne rien gâter, sa tenue est très bonne (ah, ce si joli fond de fleurs d'oranger oriental!), son sillage adéquat. Et mine de rien, cette grande gourmande de Colette l'aurait peut-être beaucoup aimé....

Ce tome olfactif des Histoires de Parfums est, comme bon nombre d'autres fragrances de la maison, une vraie réussite - et pour moi, un coup de cœur. Colette ou pas, une bien belle histoire racontée en parfum!


Maison: Histoires de Parfums
Créateur: Gérald Ghislain et/ou Sylvie Jourdet?
Année de création: 2001?
Famille: hespéridé-gourmand-fleuri
Disponible en Eau de Parfum, vapo 120 ml (130 EUR), en points de vente sélectionnés et sur le site d'Histoires de Parfums. Un set d'échantillons de tous les parfums de la marque est disponible (5 EUR).



Images: Histoires de Parfums, Wikipedia



1 commentaire:

Carotcake a dit…

salut Ambre Gris , as tu senti les nouveautés de cette marque ???
Les 3 tubéreuses et Moulin Rouge?