Il est vrai que cette gamme de six parfums (bientôt sept), lancée en grande pompe en septembre 2007, concentrait à sa sortie à peu près tous les clichés de la parfumerie de niche, telle qu'elle est aujourd'hui.
Jouons au jeu des sept poncifs-du-parfum-de-niche, voulez-vous?
Chacun des flacons tous identiques, à la fois sobres et luxueux, renferme une fragrance unique, construite "avec les huiles essentielles les plus rares et les plus chères", d'une "élégance absolue" et d'un "luxe sans concession", et peut être vôtre pour la modique somme de... 165 euros les 50 ml.
Et pour présenter son œuvre ambitieuse, le jeune (et charmant, au demeurant) Kilian - qui, ce n'est pas anodin, a pour patronyme Hennessy, des cognacs du même nom, soit le H de LVMH - eut recours, sur son site, à une prose qui... jugez-en vous-même:
Pour moi, l’œuvre noire, c’est celle qui brouille le cœur de Faust, celle encore qu’invoquent les sorcières de Macbeth, celle enfin qui embrume l’esprit de Rimbaud. Mais c’est aussi celle des textes du R&B d’aujourd’hui – 50 cent, Snoop Dogg, Pharell Williams –, chanteurs de la tentation, confrontés à la violence urbaine, comme Baudelaire avant eux et exprimée dans ses poèmes en prose.
Une gamme qualifiée de "reflet d’une nouvelle Comédie Humaine", pas moinsse, dans laquelle même les matières y jouaient leur rôle, puisqu'il était question de l' "innocence apparente de la bergamote de Calabre"...
Autant dire que je m'étais armée d'une solide dose de cynisme avant de découvrir ces fameux jus ô combien exclusifs.
Et... et j'ai été surprise.
Les ingrédients sont effectivement de première qualité. Les compositions ne sont peut-être pas renversantes d'originalité, mais elles ne tombent pas pour autant dans la plate banalité: elles sont bien construites, avec un petit "plus" qui les distingue. Quant à l'addition, si le prix du flacon (avec son écrin) est très (trop) élevé, la recharge est nettement plus raisonnable...
Enfin, il semble que le fou rire général sur la blogosphère parfum devant les références et descriptions mêlant avec beaucoup de sérieux Les liaisons dangereuses, Baudelaire et Snoop Dogg, et qui vacillaient dangereusement entre le grandiloquent et le grand-Guignol, ait eu son petit effet: tout ce verbiage a été assez récemment supprimé du site.
Premier volume de l'Oeuvre noire, et l'un des deux parfums catalogués féminins (avec Beyond Love), il a été créé par Calice Becker (J'Adore de Dior, Beyond Paradise d'Estee Lauder, Cuir de Lancôme).
Love se veut d' "une inspiration guimauve", "une pure sucrerie sensuelle" - et effectivement, en fait de littérature, il serait plus à sa place dans la Chocolaterie de Roald Dahl que chez Choderlos de Laclos: c'est une vraie confiserie!
Notes de tête: néroli, rose
Note de cœur: guimauve, jasmin sambac, iris
Notes de fond: vanille, notes sucrées, musc
Kilian voulait une guimauve, et c'est bien une guimauve toute douce, parfumée à la fleur d'oranger, qui s'offre dès la vaporisation. Elle est sucrée, certes, mais parvient, pour moi, à ne pas donner dans le sirupeux ou l'écœurant.
Love reste assez linéaire, mais la guimauve se mue finalement assez vite en une autre friandise: plutôt que de prendre le moelleux de la guimauve, la note de sucre se teinte au contraire d'une petite touche craquante qui fait plutôt penser à une meringue légère. Elle se nuance d'une senteur à peine perceptible, que je n'arrivais pas à identifier, jusqu'à ce qu'une vérification dans le Guide apporte la réponse: il s'agit de l'Adoxal, un aldéhyde neigeux qui donne à la fois ce craquant et une infinitésimale odeur d'œuf, bien appropriée dans ce registre gourmand.
La fleur d'oranger s'estompe peu à peu, tandis que la note sucrée se poursuit doucement. Sur ma peau, elle finit par se teinter d'une légère touche animalisée qui lui donne de la profondeur... mais j'ai senti, sur d'autres peaux (masculines, d'ailleurs), cette pointe prendre une ampleur plus marquée, et former avec les notes sucrées une combinaison joliment intrigante, nettement plus intéressante que sur moi. Il semble d'ailleurs que Love varie assez nettement selon les peaux, et il peut aussi friser l'écœurant sur certaines...
Love m'a paru bien plus intéressant que ses atours si gourmands ne l'auraient laissé croire au premier abord.
Il reste pourtant, je crois, principalement réservé aux amateurs du genre - genre dont il présente une interprétation assez savoureuse, par ses notes de fond qui s'animalisent sans avoir l'air d'y toucher.
Mais "vaut"-il un tel prix? Il faut, ma foi, garder à l'esprit qu'on paie d'abord la luxueuse présentation (vu le coût très nettement inférieur de la recharge) et la concentration (une eau de parfum qui tend vers l'extrait, ce qui explique l'excellente rémanence sur la peau)... A ce tarif de "petite folie", il y a bien d'autres parfums auxquels je préférerais succomber, personnellement, mais les friandes de parfums gourmands et les amateurs de jolis flacons pourraient par contre y trouver leur compte!
Love m'a paru bien plus intéressant que ses atours si gourmands ne l'auraient laissé croire au premier abord.
Il reste pourtant, je crois, principalement réservé aux amateurs du genre - genre dont il présente une interprétation assez savoureuse, par ses notes de fond qui s'animalisent sans avoir l'air d'y toucher.
Mais "vaut"-il un tel prix? Il faut, ma foi, garder à l'esprit qu'on paie d'abord la luxueuse présentation (vu le coût très nettement inférieur de la recharge) et la concentration (une eau de parfum qui tend vers l'extrait, ce qui explique l'excellente rémanence sur la peau)... A ce tarif de "petite folie", il y a bien d'autres parfums auxquels je préférerais succomber, personnellement, mais les friandes de parfums gourmands et les amateurs de jolis flacons pourraient par contre y trouver leur compte!
Maison: By Kilian
Créateur: Calice Becker
Année de création: 2007
Famille: oriental vanillé / gourmand
Disponible en eau de parfum/extrait, vapo 50 ml (165 EUR), à recharger pour 69 EUR; aussi en format fontaine d'1 litre (2000 EUR) rechargeable pour 1380 EUR. Une bougie coordonnée est disponible.
En points de vente sélectionnés et en ligne sur le site de Kilian.
Images: By Kilian, Acquire Mag
4 commentaires:
Je suis en train de revisiter les gourmands avec une certaine perversité (ce n'est pas une famille que j'adore - mais... je suis en train de succomber). J'ai testé Love récemment, côte à côte avec Hypnotic Poison. Même si le second est très fortement "amande", ils ont en commun ce côté un peu crissant du sucre en poudre auquel, ma foi, on peut se laisser prendre.
Les Kilian sont en effet très bien faits, avec de beaux ingrédients. Si ce n'était du prix, j'aurais déjà acheté leur tubéreuse, Beyond Love, mais... aïe!
une amie forumeuse m'a envoyé des échantillons de ce killian, j'essaierais Love demain
J'aime beaucoup, cette note de guimauve douce à la fleur d'oranger est très belle, rien de renverssant mais tellement régressif, un parfum moelleux et qui fond en bouche. Comme un baiser sucré et tendrement moelleux. Mais , car il y a un Mais, trop, trop cher pour ce que c'est, et c'est bien dommage, vendu à un prix "normal" et non un prix "pur snobisme" (ce que j'appelle les prix "pur snobisme" sont : plus c'est cher mieux c'est et souvent on paie de l'eau au prix du Champagne, ou encore les "je me la pète parce que je porte quelquechose de cher que tout le monde ne peut pas se payer).
Donc à un prix normal, j'acheterais. Je met un prix "pur snobisme" dans des parfums qui en vaillent le coup et le coût.
Sinon, dans un registre régressif et enfantin, enfance sucrée et délicate, je préfére "Délicieuse histoire" d'hubert Maes à un prix plus abordable.
Oui, le prix est un frein pour cette gamme, et même si le budget a été mis dans les matières premières, c'est certain, il y en a eu peut-être un peu trop dans les flacons, les boîtes, le site internet et ses textes ;) bref, tout ce tralala qui finalement, a été revu à la baisse, et c'est tant mieux ! Je ne les ai pas comparés côte à côte, mais le Mi Fa de Reminiscence est une très bonnne guimauve à prix plus accessible. Cependant, mon meileur souvenir de guimauve reste celle d'Olivia Giacobetti pour Iunx... un délice pur !
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