[Avis] Acqua di Gioia - Giorgio Armani



Dans un marché submergé par des centaines de lancements par an, même quand on adore le parfum, inutile de rêver pouvoir jamais tenir le rythme et tester toutes les nouveautés. Et encore faut-il en avoir l'envie, quand la qualité est inversement proportionnelle à la quantité... alors on peut choisir de n'attendre et tester que les nouveautés réellement prometteuses, et/ou de ne donner que rapidement sa chance, en passant, à la jonchée de méduses échouées en tête de gondole des Séphonnaud après la dernière vague de lancements.

C'est ce que j'avais fait pour le dernier féminin d'Armani, Acqua di Gioia: vite senti lors d'un marathon olfactif, il m'avait juste fait hausser les épaules, puis j'étais passée au suivant.

Sauf que chez Armani, cette "essence de joie", on n'a pas du tout envie qu'elle vous sorte de la tête. Le spot TV est en rotation soutenue, les yeux artificiellement piscine de l'"égérie" vous guettent un peu partout, jusqu'à une innovation technique qu'elle a inaugurée en France la semaine dernière: le parfum à la demande dans les abribus.




Soit. Puisqu'on veut à tout prix la rappeler à notre bon souvenir, revenons-y.

Mais encore faudrait-il qu'elle coopère... parce que derrière ce bien beau flacon et ce nom qui augure de délices, elle n'a pas grand chose dans le ventre, cette Acqua di Gioia. Elle s'ouvre sur une vague fruitée assez indistincte mais plaisante, qui tient un peu du shampooing, un peu du yaourt saveur fruits exotiques. La tonalité est plutôt verte, tendant déjà vers l'aqueux - elle n'est acidulée que dans les premières secondes. S'il fallait en extraire une note, je pencherais vers le fruit de la passion, avec un peu de pamplemousse.

Elle plonge ensuite à grande vitesse vers un cœur toujours un peu passion, mais surtout vert-aqueux-jasmin, suggérant les notes melon habituelles du genre sans vraiment s'y abandonner. Le tout est plutôt sucré, mais pas au point de vous faire risquer le coma diabétique rien qu'à regarder le flacon, ce qui est une grande qualité sur le marché de grande distribution actuel.

Même si anecdotiques et déjà sentis trop souvent, ces premiers mouvements sont dans l'ensemble plutôt agréables. En fait, le vrai problème, c'est la suite: au fil du temps, Acqua di Gioia se ratatine complètement sur lui-même. Je soupçonne un énième cas de front loading: quand le coût fixé pour la formule d'un parfum est trop bas pour permettre un jus de qualité, on met tout l'argent dans les matières des notes de tête et du début du cœur, histoire de séduire le chaland d'emblée et le faire passer vite à la caisse. Après, le jus peut retomber comme un pauvre soufflé, ça n'a plus d'importance. Au suivant!

Et ici, en deux heures à peine, le nouvel Armani se vide littéralement de sa substance pour ne plus laisser sur l'épiderme qu'un squelette de "jasmin d'eau" et de l'effet métal brossé sec de certains boisés, déjà observé notamment - mais cette fois avec bonheur - dans le nouveau Womanity de Thierry Mugler.

Tout ça, quand on nous promettait "une étonnante exaltation", des facettes "sophistiquées et inattendues", une "apaisante sensation de renaissance au sein d'une nature délicate et cristalline"?
Bonjour tristesse.



Notes de tête: "accord végétal": citron Primo Fiore, feuilles de menthe froissées, notes fruitées
Notes de cœur: "accord eau": jasmin d'eau, notes vertes
Notes de fond: "accord terre": sucre roux, cœur de cèdre, labdanum

Maison: Giorgio Armani
Créateur: Loc Dong, Anne Flipo, Dominique Ropion
Année de création: 2010
Famille: fleuri-fruité / floral aqueux
Disponible en Eau de Parfum, vapo 30 ml (36,50 EUR), 50 ml (55 EUR) et 100 ml (78 EUR), en parfumerie. Une gamme de produits coordonnés est disponible.

[impression personnelle] tenue +-- sillage ++-

Images: Fragrantica, Docnews

15 commentaires:

Rafaèle a dit…

Sixtine,

Je t'avoue que je ne suis même pas tentée de le sentir... Chez Armani (aussi ?), un "gap" énorme entre les créations mainstream et la Collection Privée...

Gery M. a dit…

@Rafaele tu as raison, mais les prix pour les parfums créations Armani mainstream sont beaucoup moins cher que la collection privée : http://parfum.franceprix.fr/brand/Giorgio+Armani

Gery M. a dit…

@Rafaele, les prix pour les parfums créations Armani mainstream sont beaucoup moins cher que la collection privée : http://parfum.franceprix.fr/brand/Giorgio+Armani

céci a dit…

Complètement d'accord avec vous. Quelle déception, avec ce qu'on pouvait en attendre, une nature exténuée par le soleil puis ressuscitée par une torrentielle pluie d'été: la terre, la feuille, le soleil, l'eau de pluie et l'eau de mer, voilà ce que j'attendais.
Et je l'ai attendu cette note d'un blogger avisé avant de pouvoir le sentir moi-même, vous êtes arrivé après et vous avez tout dit: ça sent le supermarché, le shampoing, le parfum gentillé, mais certainement pas "la femme sauvage et sûre d'elle en communion avec la nature"... Leurs "prospectus" racontaient à peu près ça.
Ce weekend je pourrai peut être aller sentir forest rain de khiels, j'ai hâte. Odeurs de mousse, de terre mouillée après la pluie...Prometteur ou encore un piège marketing?
Le connaissez-vous?

Anonyme a dit…

Et bien je ne suis pas d'accord.Cet Aqua di Gioia dans la lignée d'un Fleur de liane mariè à J'Adore et Boss Woman se teint très bien pour un mainstream. Et je ne comprends pas pourquoi l'on excuse la note de jasmin-muguet sur un Beige et pas sur un Armani grand public. On la retrouve beaucoup certes, mais largement moins bien mise en valeur. Concernant les Armini Privé, dans le style "niche", ce ne sont par contre, eux, que des squelettes bien rachitiques qualitativement avec des relants de déjà-vu. Cela dit, chacun y trouvera son compte.
Méchant Loup

Alexis a dit…

Je rejoins l'avis de Méchant Loup. Mais je suis d'accord sur certains points avec Sixtine.

Je m'explique :

J'étais sûr que l'on allait lui reprocher son aspect fruité, moi même au début j'étais parti avec cette énooorme appréhension. Tout de suite, Armani, Mainstream, Pub photoshoppée. Bref, on se comprend ;). Mais là où Eau Méga de Vitor & Rolf fait dans le shampooing (jamais je n'arrive à orthographier ce mot correctement !) avec son melon et sa pastèque synthétique, je toruve que pour le coup, Armani s'en sort très bien.

Le départ est un hymne au fruit juteux type goyave et maintenant que vous le faites remarquer, fruit de la passion. Mais il se profile en filigrane aussi une petite sensation verte et parfois un tranchant un peu métallique. Ce tout m'évoque le fruit fraichement cueilli que l'on découpe soigneusement et où la pulpe dégorgent sur nos doigts.

Puis au fil du temps, Acqua Di Gioa devient plus pétillant, plus pimpant. Plus frais aussi, avec ce fantôme d'embruns marins. Mais le petit côté acide me fait penser à des petits bonbons que l'on mangeait étant petit. C'est un mélange entre le piquant frais et l'acidité du gout.

Mais il est vrai que plus le temps passe et plus je sens cet accord floral type muguet pour pschit pour toilettes et qui, je l'ai déjà dit, semble "casser" la belle salade de fruit du départ, très naturelle. Et le fond ne va pas vraiment rehausser cette petite baisse de régime. C'est dommage mais la relation entre la tête, le fond mais aussi le coeur, le concept et tout est au final très cohérente, malgrés le fait que ce soit une marque mainstream.

Ainsi, je rejoins Méchant Loup sur l'aspect fruité très réussi à mon avis car très naturel. Et plus Sixtine pour le passage floral type muguet qui vient affaiblir la composition.

Il n'en reste que pour l'été, je trouve ce parfum très agréable, original je l'avoue, et souriant.

Vive l'odorat !

Six' a dit…

Rafaèle,

Honnêtement, je te comprends. Le mainstream tend à me décevoir de plus en plus, avec de belles exceptions comme L'Eau Ambrée de Prada et A Scent de Miyaké, l'année dernière.

Et chez Armani, effectivement, on creuse le fossé entre les deux volets au point de donner un nom différent à la marque (Armani Privé et Giorgio Armani)... ça en dit assez long sur la politique de la maison!

Ceci dit, dans les Armani Privé, il n'y a que Bois d'Encens que je trouve vraiment fantastique (et j'ai pris la recharge, pas tout le cube en bois... qu'importe le flacon!). Les autres ne m'avaient pas emballée sur le moment par rapport à leur prix, mais il faudrait que je les ressente avant de me prononcer...

Six' a dit…

Céci,

Oui, par rapport à ce qu'on nous vante, c'est d'autant plus décevant! C'est un floral-aquatique-fruité pas mal, mais pas top. De là à le prétendre "exaltant", "renaissance de la nature", avec une facette animale (??)... Mais bon, j'imagine qu'ils pouvaient difficilement faire autrement, il faut bien vendre. C'est juste dommage que tellement d'argent soit passé en marketing plutôt que dans les matières premières.

Le Kiehl's, j'en ai un échantillon depuis une éternité mais je crois bien que je ne l'ai jamais testé! Je vais y mettre le nez et nous pourrons échanger nos impressions, si vous voulez!

Six' a dit…

ML,

Ah, oui, je sais qu'il t'avait bien plu, celui-là!

C'est en fait le problème que j'ai pour pas mal de sorties mainstream: quels critères utiliser?

Pour un mainstream, je trouve Acqua di Gioia pas mal au début, comme je l'ai dit. Il est joliment fruité, il n'est pas confit dans le sucre, ce sont de beaux atouts. Dommage, vraiment, qu'il implose si vite...

C'est aussi pour ça que j'ai trouvé Idylle pas mal. Pour un mainstream, il se tient, il y a bien, bien pire.

Mais est-ce qu'à raisonner comme ça, on n'en arrive pas à devenir trop indulgent pour tout ce qui a finalement le mérite de ne pas être infect? Je n'en sais rien, je m'interroge juste.

Évidemment, pour un jus qui se veut de la parfumerie d'exception, prix à l'avenant, là, pas de quartier. Justement, si tu savais tout le mal que je pense de Beige! Il a manifestement beaucoup de succès, mais je le trouve, honnêtement, indigne de la collection...

C'est très délicat, en parfumerie, de décider ce qui "vaut son prix", je trouve. On sait bien à quel point la matière parfum elle-même ne représente qu'une proportion dérisoire du prix de vente, pour commencer...

En fait, plus ça va, plus je me dis que les mainstream sont très globalement bien trop chers pour la qualité qu'ils proposent (avec de merveilleuses exceptions bien entendu, Habanita, les Guerlain classiques, etc.), que bien des niches gonflent leurs prix sans que la qualité suive, tandis que d'autres prennent de plus en plus des allures de formidable rapport qualité/prix, comme les Lutens ou les Goutal.

C'est vraiment un sujet difficile... et le seuil du "trop cher pour ce que c'est" sera différent pour chacun, effectivement.

jeanne a dit…

Je me range dans le clan des filles ;)
Comme l'a bien analysé Sixtine, on met le paquet sur la tête, melon, agrumes, fruits exotiques (et ce n'est pas ça qui coûte le plus cher), puis on laisse le fond se dépatouiller avec quelques muscs et des notes florales propres et tenaces utilisées dans les lessives (pas bien chères non plus), et tout le reste, pshittt, direct pour les yeux bleu lagon photoshopés !
Pour la ressemblance avec Fleur de Liane, je ne dirai pas le contraire puisque je n'avais pas trop aimé non plus, mais il y avait quand même une signature, un univers, que l'on aime ou pas. Par contre, les beaux floraux blancs, frais, simples et transparents, ça existe, comme Beige, que pour le coup, jene rangerai pas dans la même catégorie !

Alexis a dit…

Jeanne, là encore vous me faites rire. Oui, le prix va surement dans le Photoshop pour les yeux. Les quelques centimes pour le maquillage de la demoiselle. Mais à vrai dire, je ne regarde que rarement les prix, car je sais que je ne vais pas acheter ça.

Il n'empêche que la tête et qu'une partie du coeur sont vraiment agréables. C'est pas A Scent non plus, ni même Idylle. Mais moi ça m'a étonné. Je m'attendais à un remix J'Adore + EauMéga avec des touches de FlorabyGucci, et cela m'a étonné. Je m'attendais vraiment à autre chose.

Quant à vous Sixtine, je pense juste que pour le côté "animal" qui n'en est pas, vous avez du confondre avec mon avis sur Charogne qui par moment me fait penser avec l'odeur de plumes de la cigogne (pause ! imaginez juste quelqu'un qui lit cette phrase hors contexte : il va nous prendre pour des fous. Mais qu'importe...).

Je viens de regarder le prix sur le site de Sephora. Oui j'avoue que c'est completement abusé, mais il y a plein d'autres créations comme ça. D'ailleurs la descritpion "made in sephora" est drôle : coeur de cèdre, jasmin d'eau, menthe froissée : je me parfume avec amour de bois et m'habille de feuilles de menthes pas repassées, Oh la rebelle !^^

Donc non, je ne plongerai pas dans le bleu infini des yeux du mannequin. Mais à sentir dans la rue en plein été, je trouve ça bien, et tant qu'on est heureux avec son parfum, tant mieux !

vive l'odorat !

Poivrebleu a dit…

Bon, bah moi aussi, je vais me ranger du coté des filles... :-)
Ce que tu dis Sixtine à propos de l'implosion après les 2h, me fait penser au nouveau Lanvin à paraître le 15 août (Marry Me), qui a cette particularité d'avoir une tête plutôt intéressante (que je trouve d'ailleurs plus intéressante que celle d'Acqua Di Gioia), mais qui se délite totalement par la suite... Je te rejoins tout particulièrement lorsque tu parles du parfum "qui vaut son prix". Le seuil est différent pour chacun certes, mais globalement, je trouve qu'en prenant un peu de recul 80% de ce qui sort ne vaut absolument pas son prix (et je suis sympa)...
C'est misérablement ennuyeux ma parole!
Je ne suis pas du tout partisane du "Les meilleurs c'est uniquement les parfums de niche", et je suis à fond pour défendre le grand public, mais quand ça vaut le coup!! : Womanity, Notorious, Sensuous... 1000 fois oui!

Mais pas de la resucée de salade fruits frais, gel douche et bombe à WC.

Poivrebleu a dit…

PS : Cela dit, j'apprécie beaucoup l'initiative mise en place dans l'abribus. Ce type de dispositifs "non-invasif"est à mon avis à développer et serai un bon moyen de faire découvrir au client un parfum, sans l'arsenal lourdingue de vendeuses suceuses de sang dans les Séphonaud... Un dispositif de ce genre avait été essayé au Brésil... Voir ici : http://www.youtube.com/watch?v=TR0mOuNEHUg

Thierry Blondeau a dit…

Bon, ben tant pis pour moi, je reste un peu dans mon coin alors, mais je vais vous faire hurler les filles...sans pouvoir expliquer pourquoi, même si je lui reconnais un coté "lessive", j'aimais déjà beaucoup Boss Woman. Il y a sans doute beaucoup d'inconscient la dedans, mais je trouve cette note, que je retrouve dans j'Adore et Aqua di Gioia propre, délicate et féminine (à croire qu'une femme qui m'a marqué sentait la lessive) ! Par contre, certains parfums reconnus comme "créatifs" et généralement plébiscités par vous me paraissent vraiment trop "sales", et je ne peux pas en dire du bien. Allez comprendre ?

Clochette a dit…

Moi aussi, je me range du côté des filles (ça tombe bien, j'en suis une mdr). Encore une mouillette que je n'ai pas gardée en main plus de 5 secondes et que j'ai oubliée encore plus vite, tout comme Lady Million, Chance eau tendre et Eaudemoiselle, pour ne citer que les dernières sorties qui m'ont déçue! Je tremble pour le prochain Saint-Laurent et le prochain Dior, dont on ne sait rien, à part que c'est Sofia Coppola qui tournera le clip avec Natalie Portman (ce qui est assez révélateur du fait que la campagne est plus importante que le jus en lui-même). Dernier mot, l'égérie est Emily di Donato, qui, à défaut d'avoir les yeux naturellement bleus électriques (quoique sa beauté surnaturelle pourrait laisser croire qu'elle est effectivement une extra-terrestre aux yeux fluos) est d'une beauté à couper le souffle; je suis bien contente que ce ne soit pas un argument de vente pour moi =)