Au commencement fut Femme.
Né au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le premier grand parfum signé Rochas était du jamais-senti. Et pour cause: les matières premières s'étant faites rares pendant les hostilités, un jeune parfumeur du nom d'Edmond Roudnitska avait ingénieusement réutilisé dans ses compositions des résidus de fabrication de composants aromatiques. Parmi ces rebuts, il avait déniché un petit bijou, une méthyl-ionone à la délicieuse odeur de prune confite. Cette note, il allait l'arrondir de pêche lactonique, la saupoudrer d'épices, la caresser de violette, la draper de patchouli chaleureux... et ce sera la naissance de la fameuse base Prunol. Pour créer Femme, son génial inventeur la mariera à un cœur fleuri et la plantera sur une base chyprée, mais elle en restera l'âme.
Un demi-siècle plus tard, autre pionnier: Féminité du Bois.
Serge Lutens révolutionne la parfumerie en opposant une surdose de bois, matière alors considérée comme essentiellement masculine, à un lit moelleux de prune confite et d'épices, effleurées de pêche et de violette. Autant dire que le rire chaleureux de Femme résonne, sonore, dans le sculptural chœur boisé de cette cathédrale de modernité.
Féminité du Bois allait engendrer un quatuor de variations qui signerait les débuts de la marque Lutens, quatre réorchestrations où, comme on tournerait un kaléidoscope, l'une ou l'autre facette de la mère était soudain mise en pleine lumière: Bois de Violette, Bois et Fruits, Bois et Musc, Bois Oriental. Autant de parfums où était mis en place ce qui allait devenir la signature olfactive de Serge Lutens - bois, épices et fruits confits.
Et voici à présent Boxeuses.
Né au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le premier grand parfum signé Rochas était du jamais-senti. Et pour cause: les matières premières s'étant faites rares pendant les hostilités, un jeune parfumeur du nom d'Edmond Roudnitska avait ingénieusement réutilisé dans ses compositions des résidus de fabrication de composants aromatiques. Parmi ces rebuts, il avait déniché un petit bijou, une méthyl-ionone à la délicieuse odeur de prune confite. Cette note, il allait l'arrondir de pêche lactonique, la saupoudrer d'épices, la caresser de violette, la draper de patchouli chaleureux... et ce sera la naissance de la fameuse base Prunol. Pour créer Femme, son génial inventeur la mariera à un cœur fleuri et la plantera sur une base chyprée, mais elle en restera l'âme.
Un demi-siècle plus tard, autre pionnier: Féminité du Bois.
Serge Lutens révolutionne la parfumerie en opposant une surdose de bois, matière alors considérée comme essentiellement masculine, à un lit moelleux de prune confite et d'épices, effleurées de pêche et de violette. Autant dire que le rire chaleureux de Femme résonne, sonore, dans le sculptural chœur boisé de cette cathédrale de modernité.
Féminité du Bois allait engendrer un quatuor de variations qui signerait les débuts de la marque Lutens, quatre réorchestrations où, comme on tournerait un kaléidoscope, l'une ou l'autre facette de la mère était soudain mise en pleine lumière: Bois de Violette, Bois et Fruits, Bois et Musc, Bois Oriental. Autant de parfums où était mis en place ce qui allait devenir la signature olfactive de Serge Lutens - bois, épices et fruits confits.
Et voici à présent Boxeuses.
Car c'est manifeste: l'exclusif Salons de cette rentrée 2010 descend en ligne directe de ces glorieux ancêtres. Tout y est, la prune, les épices et le bois, jusqu'aux pétales de violette. Mais le kaléidoscope a continué de tourner, et ce nouvel opus propose une interprétation toute personnelle de la recette.
Boxeuses!
Le nom claque, clair et net, et il pétille de malice: l'univers si raffiné de Serge Lutens est à mille lieues de celui de Battling Joe, et lorsque le Maître évoque des pugilistes, on imagine bien plus des beautés théâtrales effleurant le ring de leurs talons aiguilles qu'une Hilary Swank cognant ferme sur un punching-ball.
A vrai dire, ce parfum aurait pu s'appeler Féminité du Cuir... car c'est précisément là que s'opère la principale divergence avec Féminité du Bois: exit la puissante volée de cèdre sec, remplacée par une note de cuir appuyée en tête. Une note qui se démarque aussi de celle de l'autre cuiré de la maison: là où Cuir Mauresque adoptait la rauque sécheresse fumée-goudronneuse du Tabac Blond de Caron, c'est vers la douceur feutrée de l'accord "cuir de Russie" que se tourne Boxeuses. Les amateurs de la fragrance éponyme de Chanel ne seront pas dépaysés.
A vrai dire, ce parfum aurait pu s'appeler Féminité du Cuir... car c'est précisément là que s'opère la principale divergence avec Féminité du Bois: exit la puissante volée de cèdre sec, remplacée par une note de cuir appuyée en tête. Une note qui se démarque aussi de celle de l'autre cuiré de la maison: là où Cuir Mauresque adoptait la rauque sécheresse fumée-goudronneuse du Tabac Blond de Caron, c'est vers la douceur feutrée de l'accord "cuir de Russie" que se tourne Boxeuses. Les amateurs de la fragrance éponyme de Chanel ne seront pas dépaysés.
Boxeuses ne se résume pourtant pas à "un cuir" - il y a, aussi, tout le versant Féminité, avec sa franche allusion au Prunol: bouffée d'épices, cannelle et cumin, qui s'exhale en tête, réchauffe le cuir de Russie; prune confite ensuite, savoureuse, paradoxalement peu sucrée. Mais ce qui distingue aussi ce parfum, malgré son nom en forme d'uppercut, c'est qu'il grésille surtout d'une chaleur couvante, une chaleur moelleuse et parfaitement confortable, en tons bruns et - forcément - prune. L'ensemble m'évoque assez l'un de ces salons fin-de-siècle hantés par des lords anglais et/ou des dames de petite vertu, fauteuils accueillants, lumières tamisées et âtre rougeoyant... mais Boxeuses y ajoute aussi une facette plus inquiétante, qui lorgne vers le réglissé, teinté de cerise, voire même le franchement brûlé.
Alors que, dans un tranquille fondu-enchaîné, le cuir s'éloigne, cette dimension sombre s'affirme dans le pruneau doucement sucré, un côté un peu goudronneux, presque corsé, qui produirait les mêmes effets, secs et rauques, que le café noir. Un fond boisé croissant vient encadrer le tout, bien présent mais sans la clarté franche du cèdre de la série des Bois. La prune finit par s'estomper, mais le bois sombre, la tonalité corsée-brûlée restent, se fondant au fil des heures dans une longue traînée musquée qui reste hélas un peu trop près de l'épiderme.
En le découvrant, j'avais un peu hâtivement classé ce nouveau lancement dans les "redites", vu la présence immédiatement identifiable des codes Lutens. Je me suis vite ravisée.
Avec son cuir, sa facette réglissée-corsée, l'androgyne Boxeuses en donne une interprétation bien à lui, une variation nocturne qui, sans faire de vagues, séduit lentement... mais sûrement. Alors que les grandes maisons semblent s'être donné le mot de la fadeur en cette navrante rentrée parfumée, le contraste est d'autant plus frappant.
A ma droite, les tenants du titre, une série de jus lisses, photoshoppés, interchangeables. A ma gauche, un vrai parfum, avec une personnalité, une individualité, une gueule.
Pas la peine d'attendre le décompte: Boxeuses, vainqueur par KO.
Alors que, dans un tranquille fondu-enchaîné, le cuir s'éloigne, cette dimension sombre s'affirme dans le pruneau doucement sucré, un côté un peu goudronneux, presque corsé, qui produirait les mêmes effets, secs et rauques, que le café noir. Un fond boisé croissant vient encadrer le tout, bien présent mais sans la clarté franche du cèdre de la série des Bois. La prune finit par s'estomper, mais le bois sombre, la tonalité corsée-brûlée restent, se fondant au fil des heures dans une longue traînée musquée qui reste hélas un peu trop près de l'épiderme.
En le découvrant, j'avais un peu hâtivement classé ce nouveau lancement dans les "redites", vu la présence immédiatement identifiable des codes Lutens. Je me suis vite ravisée.
Avec son cuir, sa facette réglissée-corsée, l'androgyne Boxeuses en donne une interprétation bien à lui, une variation nocturne qui, sans faire de vagues, séduit lentement... mais sûrement. Alors que les grandes maisons semblent s'être donné le mot de la fadeur en cette navrante rentrée parfumée, le contraste est d'autant plus frappant.
A ma droite, les tenants du titre, une série de jus lisses, photoshoppés, interchangeables. A ma gauche, un vrai parfum, avec une personnalité, une individualité, une gueule.
Pas la peine d'attendre le décompte: Boxeuses, vainqueur par KO.
Tous mes remerciements à la bonne fée qui m'a permis de le découvrir!
Notes de tête: épices, prune Notes de cœur: note fruit confit, réglisse, violette Notes de fond: cuir, notes boisées, notes ambrées |
Maison: Serge Lutens (gamme exclusifs Salons) Créateur: Christopher Sheldrake et Serge Lutens Année de création: 2010 Famille: oriental-cuir Disponible en Eau de Parfum, flacon 75 ml (110 EUR), dès le 1er septembre aux Salons du Palais Royal Shiseido et en ligne sur le site des Salons uniquement. |
[impression personnelle] tenue +-- sillage +-- |
Images: flacon cloche classique et édition gravée limitée (via HommeUrbain); Toulouse-Lautrec - Salon at the Rue des Moulins, 1894, Musée Toulouse-Lautrec, Albi (via 19thcenturypost)
2 commentaires:
J'ai Boxeuses en ce moment même sur le bras. Je l'avais déjà senti rapidement aux Salons du Palais Royal.
Au début, c'est drôle car je vois totalement Féminité Du Bois, et moins Femme de Rochas, qui me semble encore plus chypré.
Dès le début, y'a un coup de pouce, un élan. Peut être des aldéhydes. Mais aussi une note fumée et cuiré qui me fait penser aux sièges des voitures, chauffés par le Soleil en plein mois d'aout. Puis, il y a un côté fruit sucré, qui a un petit air de la figue de Womanity. Mais bon, je te fais laaaargement confiance quand tu dis que c'est du Prunol...
Le coeur a plus, selon moi une odeur d'encre de stylo bic. Cette odeur sèche, goudronneuse, avec des petits gruaux et tout ! Et ça j'aime !!!!
Enfin parfum qu'est pas lisse (bon, y'en a plein, mais je compare avec les nouveautés !).
T'as des bosses, des trous, des retours en arière, des gribouillis. Pleins de trucs binouches super sympas qui me font marrer ! Ah, mister Lutens, vieux farceur (c'est mon Georges Hautecourt du parfum, cf Les Aristochats).
Tout est voulu maitriser, mais qu'est ce que c'est jouissif. Tu crois que tu vas continuer sur cette route, mais bam ! Virage à 180° avec une pente de 12 % ! Si la voix-off du Code de la Route sentait ça elle serait choquée ^^
Puis, encore une fois, t'as envie d'embrasser là où t'as mis Boxeuses, comme... Féminité Du Bois (à ceci près que FDB génère le viol, nuance ^^ - si quelqu'un de la police lit ça, c'est "une blague" !)
Là tu vois, j'ai Boxeuses sur mon bras. J'ai qu'une envie, aller dans mon lit avec une infusion de camomille, un bon vieux bouquin puis un petit truc en plus. Et d'être bien.
Ca fait plaisir :D
Féminité Du Bois réveille mes passions, Boxeuses allume mon sourire :D !!!!
Vive l'odorat !
Jicky
Jicky,
Merci pour ce voyage olfactif en creux et bosses! ;)
Il y a un petit moment maintenant que je ne suis pas revenue à Boxeuses, mais j'attends mon flacon d'un jour à l'autre et je me réjouis de le retrouver... Quand je relis mon avis, par rapport à ton ressenti, il y a effectivement un côté cosy dans le parfum, très chaleureux - mais pas de côté pépère, quand même, avec tout ce côté cuir-brûlé...
Je confronterai mieux nos avis quand j'aurai reçu mon flacon! ;)
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