[Avis] Fille en Aiguilles - Serge Lutens


"Fille en aiguilles".

Un nom ingénieux à clins d'œil multiples, mais quelle interprétation serait la bonne? Les aiguilles de pin, les plus évidentes? Les talons aiguilles d'un féminin chic?

Pour une fois, le communiqué de presse a éclairci la chose: "Cri Cri Cri Cri Cri Cri Cri Cri Cri Cri Cri Cri Cri Cri Cri" - tout est dit!


Composition: résine et aiguilles de pin, vétiver, laurier, fruits, épices, encens, ambre

Il y a longtemps que je la recherchais en parfum, cette odeur de pinède méditerranéenne noyée de soleil, l'odeur des aiguilles de pins secs comme de l'amadou, cuits et recuits, qui exhalent tout leur parfum sous l'effet de la chaleur... et elle est là, enfin! C'est elle qui ouvre la danse dans Fille en Aiguilles, cette savoureuse senteur de conifère qui a beaucoup perdu de sa facette mentholée... on entendrait presque les cigales!

Mais arrive immédiatement sur ses pas une louche de fruits très, très confits, certains acidulés, d'autres tendant vers le pruneau, qui se sucrent sur la peau au point que toute cette confiserie se caramélise (l'effet sur touche est assez différent: le pin est beaucoup plus présent, dure plus longtemps, les fruits sont moins puissants).

Cette facette très sucrée va se prolonger quelques heures, après quoi le pin va reprendre le dessus, bientôt rejoint par une facette encens qui est... celui de Serge Noire, à peu de choses près. Le même encens japonisant, la même translucidité, le même benjoin... c'est lui, il n'y a pas à s'y tromper!

A mesure que les fruits confits s'estompent, l'encens clair-obscur est revisité par la pinède surchauffée, vient s'y fondre, et c'est sous cette forme qu'il finira par s'estomper (trop vite!) sur la peau...


Ah, la belle pinède que voilà! Mais il y a plus que de la pinède: les fruits confits, l'encens, le côté boisé: c'est toute la parfumerie de Serge Lutens qui est là, en tranches épaisses, bien identifiables, plus qu'en facettes. Les fruits auraient-ils été absents que Fille en Aiguilles aurait été bien plus novateur pour un Lutens, tandis que j'ai un peu ici l'impression d'avoir sous le nez un Bois et Fruits revisité par Serge Noire, sauce pin méditerranéen... Le pin est vraiment ce qui fait ici la différence dans une recette (!) bien maîtrisée. En fait, j'irais presque - presque! - jusqu'à dire que Fille en Aiguilles est au pin ce que Féminité du Bois était au cèdre...

Ceci étant dit, peut-on reprocher à Serge Lutens de "faire du Lutens"? D'autant plus que ce dernier opus est, isolément, un très beau parfum. Il ne serait peut-être qu'à réserver aux amoureux - cette Fille me semble assez androgyne - de la note: impossible actuellement de trouver plus belle odeur de pinède brûlée de soleil!


Note: il semble que Fille en Aiguilles varie notablement selon les peaux; sur d'autres, le côté pin-vétiver se manifeste beaucoup plus, tandis que la note de fruits confits est bien plus discrète...



Maison: Serge Lutens (gamme export)
Créateur: Christopher Sheldrake et Serge Lutens
Année de création: 2009
Famille: boisé-oriental
Disponible en Eau de Parfum haute concentration, vapo 50 ml (95 EUR), en parfumeries sélectionnées.



Images: Serge Lutens, Senteurs d'Ailleurs.


13 commentaires:

Le Gnou a dit…

Bonjour,

Je suis en accord avec votre perception de Fille en Aiguilles. Une "recette" typique de Lutens : des bois, résines et épices mélés à des notes fruités. En ce qui concerne les fruits, j'y ai plutôt trouvé des baies de sous-bois (framboises,myrtilles...) traitées de façon sombres et confites, à l'opposé du girly-gourmand. Du coup, Fille en Aiguilles m'a d'abord évoqué une sapinière de moyenne montagne (où l'on trouverai ces fruits rouges) plutôt qu'une pinède méridionale.

Bonne journée

Six' a dit…

Le Gnou,

Je suis contente de ne pas être seule à percevoir cette "recette", les avis étant globalement très positifs, à ce que j'ai vu... Effectivement, l'impression que je tire de ces fruits est assez sombre (d'où mon "pruneau"), et sur ma peau ils se caramélisent au point de friser le brûlé, par moments! Vu votre impression de fruits des bois, je comprends l'association à une sapinière, mais j'y retrouve tellement cette odeur de pins-brûlés-au-soleil! Dommage à mon goût que ces fruits viennent la submerger....

Merci d'être passé ici!

carmencanada /Grain de Musc a dit…

Je crois que l'effet varie assez selon les peaux, du moins selon l'expérience menée avec ma co-testeuse au Palais Royal: l'effet caramélisé-fruité-baumé est ressorti très vite sur elle, tandis que chez moi, le duo pin-vétiver (un vétiver très brut) a perduré pendant des heures... les fruits étant à peine perceptibles.

Anatole Lebreton a dit…

bonjour,
Filles en Aiguilles me fait penser à un pendant sombre de Féminité des Bois. L'épisode pruneau, qui pour moi rappelle plutôt de la confiture (prune/ myrtille) trop cuite qui aurait attaché le fond du chaudron, je me demandais ce qu'il venait faire là, jusqu'à ce que l'encens vienne soulever le tout: comme la nuit qui s'installe après une journée torride, que la chaleur remonte de la terre. Ce moment de calme avant que les grillons ne remplacent les crissements d'aiguilles de pin brûlantes. Cette pinède sent la terre brulée et le début de soirée, quand les fille s'apprêtent à sortir.
Je trouve ce parfum très zen finalement, il capte pour moi, "le moment ou tout bascule".
Bonne soirée. Et au passage merci pour votre blog captivant.

Six' a dit…

Denyse,

Comme c'est curieux! J'avais pourtant ressenti sur touche la même note de fruits confits très présents, bien qu'un peu plus tardivement et il est vrai un peu amoindrie... et pas le moindre vetiver à l'horizon! Ah, que les peaux peuvent faire évoluer un parfum différemment! En particulier celui-ci, dirait-on...


Anatole,

Ce côté "confiture qui a un peu attaché" était ce que je tentais d'évoquer par mon "caramélisé" - je sens effectivement assez fort cette note dans Fille en aiguilles...
Et quelle belle image vous associez à ce parfum! Je dois avouer que cet aspect zen ne m'a pas frappée, alors que je le sens très nettement dans Serge Noire...
Et merci pour ce gentil compliment!

Rafaèle a dit…

Sixtine,

C'est un des rares coups de foudre parfumés que j'ai connus dans ma vie ! Il est à la fois ample et intimiste, nerveux et doux. J'y retrouve l'odeur d'une sacristie dans une église de campagne, celle des bonbons des Vosges (même si le côté "sucré" n'est pas très présent sur ma peau, c'est plutôt l'encens qui se développe) et... du "Contre-Coup", un antique remède utilisé dans mon enfance contre les bleus et bosses (il contenait du benjoin je crois) ! Comme la plupart des Lutens il n'a rien d'abstrait, il est associé à des visions, des souvenirs...
Je quémande des échantillons chaque fois que je vais au Printemps Lille... En attendant !

Six' a dit…

Rafaèle,

Je ne m'étonne pas que cette Fille puisse causer des coups de foudre, c'est un très beau parfum, un de plus chez Lutens... et selon ce que toi et Carmencanada en dites, il semble effectivement qu'il varie beaucoup selon les peaux: il était très nettement fruité sur moi, j'aurais préféré que le pin se manifeste plus!

Vraiment, la seule réserve que j'ai sur ce parfum est qu'il fasse, finalement, quelque peu "redite" dans la gamme...

civetta a dit…

je viens de me l'offrir, j'adore.... après 15 ans de JICKY. Magnifique description, je suis entièrement d'accord sur toute la ligne (surtout sur la note de caramel qui ressort pas mal sur moi)

Six' a dit…

Civetta,

Passer de Jicky à ces Filles, c'est un rude changement! Mais il est, effectivement, très beau... un parfum à personnalité, pour sûr!

Merci d'être passée ici!

civetta a dit…

Six'>< en effet, mais ça s'est fait, tout simplement, "en souvenir" d'un autre parfum que j'avais autant adoré que Jicky! (cf mon post sur le sujet..) ceci dit, ils doivent avoir en commun un petit qqchose de "sale et animal" qui m'a bien plu...

Clochette a dit…

Exactement la même évolution sur ma peau, Sixtine! Et Anatole, moi aussi il m'a fait penser à Féminité, j'imagine que c'est la fraternité cèdre et pin, prune et fruits rouges confits. Et ce caramel brûlé, comme un reste de confiture de myrtille qui aurait attaché et caramélisé au fond de la casserole, c'est merveilleux! On entend chanter les cigales et crépiter les aiguilles, quel bonheur! Du très grand Lutens!

Six' a dit…

Clochette,

Contente de voir que ce n'était pas mon nez qui me jouait des tours, avec tous ces fruits!
C'est vrai, et encore plus avec le recul, que FeA est un très bon parfum, vraiment bien pensé, et le contraste pin / fruits caramélisés fonctionne parfaitement.

Sur le coup, j'avais un peu regretté le côté "redite" - tout en reconnaissant la qualité de cet opus... mais maintenant qu'on a pu voir le résultat des virages à 180° chez S. Lutens, je préfère mille fois de la redite de cette qualité!

Anonyme a dit…

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Par Philippe Bresson - Cinq épisodes

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